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19 Feb 2019

Retour sur trois décisions de 2018 importantes pour l’avenir des clauses d’indexation

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Depuis quelques années (et plus précisément, depuis une décision de la Cour de cassation du 14 janvier 2016 déclarant illicite les clauses d’indexation dites « plancher »), la tendance de la jurisprudence a été d’invalider de nombreuses clauses d’indexation en raison soit d’un aménagement contractuel limitant leur variation, soit d’une « distorsion » entre la période de variation indiciaire et la durée écoulée entre deux révisions. La sanction, sévère, a très fréquemment consisté à ordonner l’annulation de la clause dans son intégralité, entraînant la faculté pour le locataire de demander le remboursement du trop-perçu sur une période de 5 ans et la fixation du loyer à son montant initial avec neutralisation de la clause d’indexation pour la durée restante du bail.

L’année 2018 a toutefois été marquée par trois décisions qui ont, au contraire, validé des situations dans lesquelles les juges du fond avaient pourtant considéré que les clauses étaient nulles car non-conformes aux dispositions de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier. Pour mémoire, il résulte de l’alinéa 2 de cet article que sont réputées non-écrites les clauses d’indexation des baux « prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision ».

  1. Indexation et révision « légale » : le pouvoir d’adaptation de la clause d’indexation par le juge (Cass. 3ème civ., 17 mai 2018, n°17-15.146)
     
    La clause d’indexation prévue dans le bail stipulait une révision annuelle du loyer à la date du 1er juillet de chaque année en fonction de la variation de l’indice du 4ème trimestre de l’année précédente. Par suite de la demande par le bailleur, en cours de bail renouvelé, de fixation du loyer à la valeur locative en raison d’une évolution du loyer de plus de 25% par rapport à son montant initial, le montant du loyer révisé a été fixé rétroactivement à la date du 23 décembre de l’année précédant la demande. La clause d’indexation ne pouvait donc plus jouer de manière linéaire et le requérant invoquait la distorsion ainsi survenue entre (i) la période de variation des indices de référence et de comparaison et (ii) la période entre la date d’application du loyer révisé résultant de l’article L.145-39 du Code de commerce (23 décembre) et la date de révision prévue dans la clause (1er juillet). La Cour de cassation a toutefois refusé d’invalider la clause d’indexation et a considéré que « si le loyer révisé à venir était fixé à une date différente de celle prévue par la clause, le juge devait adapter le jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative, la révision du loyer ne pouvant elle-même organiser la distorsion prohibée par la loi »
     
  2. Indexation et renouvellement : validation de la clause lorsque la distorsion ne résulte pas de la clause d’indexation elle-même (Cass. 3ème civ., 13 septembre 2018, n°17-19.525)
     
    Un bail est renouvelé au terme de la mise en œuvre, par le bailleur qui avait initialement refusé le renouvellement moyennant le paiement d’une indemnité d’éviction, de son droit de repentir. Alors que la clause d’indexation du bail initial prévoyait une révision le 1er janvier de chaque année en prenant comme indices de référence et de comparaison les indices du 2ème trimestre respectivement publiés en n-2 et n-1, la prise d’effet du bail renouvelé est intervenue, par l’effet de la procédure du droit de repentir, au 1er février. Lors de la première révision du loyer du bail renouvelé, la période de variation des indices était donc de 12 mois tandis que la période entre ladite révision et la date de prise d’effet du bail renouvelé était de 11 mois (1er janvier de l’année n vs. 1er février de l’année n-1). Là encore, la Cour de cassation refuse de considérer la clause comme réputée non-écrite dans la mesure où la distorsion « ne résultait pas de la clause d’indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail […] et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer »
     
    Il peut donc être retenu des décisions du 17 mai et du 13 septembre 2018 que lorsque la distorsion résulte d’un élément « extérieur » et non de la rédaction de la clause elle-même, celle-ci n’entraîne pas l’annulation de la clause d’indexation. Dans les deux cas, ledit élément « extérieur », n’a toutefois eu d’impact que sur une seule période indexation.
     
  3. Invalidation partielle de la clause affectée d'une distorsion ponctuelle (Cass. 3ème civ., 29 novembre 2018, n° 17-23058)
     
    En l’espèce, le bail prenait effet au 1er juin de l’année n et stipulait que la révision interviendrait chaque 1er janvier. Dès lors, la première révision intervenait le 1er janvier de l’année n+1, soit 7 mois après la date de prise d’effet du bail, alors que les indices retenus étaient ceux publiés les mois de juillet des années n-2 et n-1. La Cour d’appel avait réputée non-écrite la clause d’indexation dans son intégralité. La Cour de cassation précise alors que « seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non-écrite et que la clause prévoyait un premier ajustement, illicite mais ponctuel, tenant à la prise d’effet du bail en cours d’année civile, tandis que les périodes de référence suivantes avaient la même durée ». Seule la première indexation a donc été invalidée.
     
    Ce dernier arrêt apporte un complément intéressant par rapport aux deux décisions précédentes dans la mesure où en l’espèce, la clause elle-même aurait pu être considérée comme stipulant une distorsion relative à la première indexation. Le point de départ de la période de variation entre le loyer initial et la première indexation était en effet de facto convenu entre les parties comme étant la prise d’effet du bail. La distorsion était dès lors constituée ab initio par la clause d’indexation et la notion d’« élément extérieur », qui semble avoir justifié les décisions précédentes, ne pouvait ici être retenue. Dans cette hypothèse où la clause elle-même prévoyait donc une distorsion ponctuelle, seule cette stipulation a été réputée non-écrite, la clause demeurant applicable pour les indexations ultérieures, considérées comme n’étant pas affectées par la distorsion initiale.

Jusqu’à récemment, les clauses d’indexation desquelles il résultait une « distorsion » étaient en principe lourdement sanctionnées sur le fondement de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier, par l’invalidation dans leur intégralité desdites clauses, sans qu'aucune distinction ne soit faite quant à l'ampleur de la distorsion. La Cour de cassation semble donc désormais appliquer une approche davantage pragmatique et opérationnelle dans son interprétation de telles clauses d’indexation.

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